lundi 10 août 2015
#7
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#7
Le corps presque immergé, le cul dans
l'eau, le ventre à l'air. La nuque soutenue par une frite géante
aussi rongée que mes hémisphères cérébraux.
J'entends qu'on trinque sur le rebord,
les sons sont étouffés. Les paupières closes, je suis à l'origine
du monde. Il y a l'odeur du rhum, le goût des lupins. Tous mes sens
figent l'instant alors que nos peaux caramélisent.
Xalo, petit village d'Espagne aux
habitants méfiants. L'atmosphère moite étouffe ses résidents et
fait gonfler nos veines. Toute la lenteur de l'univers est condensée
dans ce petit coin du monde. Les commandes passées nous arrivent
avec la vivacité du néant. Il ne se passe rien sans que l'on ait
répété, quémandé, hurlé dix fois. Le plus actif d'entre eux
s'évertuant à sonner les cloches de la petite église toutes les
dix minutes.
Autarcie totale dans notre maison
d'été. L'un cuisine l'autre somnole. L'un se baigne, l'autre
bronze. L'un rit, l'autre lit. L'harmonie s'impose grâce au respect
de chacun.
Ce festival d'éclats de rire balaye
toutes nos peines. Faire peu est déjà beaucoup.
Relâchement absolu.
Vibration du téléphone. Il y a
l’inattendu de cet échange qui anime mon intérêt et réactive
mes zygomatiques. Dialogue en pointillé, parasité par nos départs.
Aéroport, fiesta, piscine... Je retrouve l'art de la fine séduction.
Son visage est multiple, son phrasé percutant. Je suis en éveil.
Puis.
« Est-ce qu'on peut revenir en
arrière? » qu'elle supplie juste après avoir livré son véritable nom
par inadvertance. Revenir au temps où je ne savais pas. Se dévoile alors sur la toile des milliers de vignettes,
un cursus, des origines, une filmographie. Cheveux longs, courts,
raides, bouclés. Gueule rageuse, soumise ou ensanglantée. Défile
sur Google une vie de lumière. La vraie, de celle qui se confronte à
la mienne, qu'on n’aperçoit déjà plus au coin de la rue.
Je ne courbe pas l'échine et je laisse
au destin, une chance de me surprendre à nouveau sur la capacité de
nos êtres à s'éloigner du superficiel.
De cette part d'ombre résultera de l'incroyable ou de l’infiniment banal.
B.O. du #7
A PROPOS
Figure pluridisciplinaire de la nuit parisienne queer depuis une dizaine d’années, Juncutt organise sa première soirée en 2005 et rejoint le collectif Barbieturix avec lequel elle organisera les soirées « Clitorise » et « Better Fucking Girls » à la Flèche d’Or et au Social Club.
Elle dépeint pendant 5 ans, ses aventures nocturnes sur son blog « Smoking Kills », critique satirique et mélancolique et tourne en parallèle le « documentaire » à épisodes, intimiste et doux dingue « You Should Be Me ».
Maîtresse de cérémonie de la GASTON Queer Clubbing qu’elle organise avec Vainui de Castelbajac entre 2013 et 2015 ainsi que des PIMP MY GASTON au nuba.
Fourni par Blogger.